Tendances et évolutions en restauration d’entreprise liées au télétravail présenté par Georges Riccio, dirigeant d’Impact Restauration.
Impact Restauration est une entreprise qui date de fin 2019, avec deux dirigeants associés qui ont 30 et 55 ans (deux points de vue différents, des approches différentes) qui intervient dans le tertiaire dans la restauration d’entreprise dite premium en région parisienne essentiellement. Le bureau d’études agit dans la programmation, le suivi de travaux de pilotage d’appel d’offres, dans la mise en exploitation et dans sa supervision entre autres.
Plus que la période « Covid », c’est le télétravail qui a apporté des changements très structurants dans la restauration d’entreprise pour tous les acteurs y compris les bureaux d’études.
Aujourd’hui, la mise en place dans les entreprises du télétravail (2 à 3 jours par semaine à date), est un accélérateur des tendances qui existaient déjà dans les entreprises en matière de restauration. En effet, on peut penser que la restauration d’entreprise ne bouge pas mais elle évolue en permanence.
- Ainsi le Flex office existait déjà.
- La segmentation très forte des profils dans les entreprises, des seniors aux juniors a toujours été là. C’est l’arrivée massive des Milleniums (25-35 ans) qui sont très attachés à leur smartphone et l’arrivée de la génération Z (moins de 25 ans) qui ne sont « que smartphone » qui ont fait fortement évoluer la restauration. Ces générations n’ont pas besoin de voir les produits pour les acheter. Les autres générations ont besoin de voir le bœuf bourguignon avant de le manger.
- Les évolutions contextuelles qui apparaissent dans les RIE de façon régulière obligent à être souples. Comment redimensionner les espaces quand un restaurant a été prévu pour deux entreprises, et que l’une s’en va ou qu’une autre rejoint le RIE avec une autre culture d’entreprise ? Comment adapter la restauration dans ces conditions ?
Les impacts en matière de restauration, on le voit sont donc multiples.
Quels sont les impacts en restauration ?
- Les attentes de la MOA se diversifient
Si l’on prend l’exemple de la Tour d’Oyo, siège social de BPCE dont la programmation avait été faite en 2017 avant le télétravail, elle a dû être complètement repensée suite à la période de confinement et de télétravail. Il a donc fallu refaire la programmation en incluant le télétravail. Dans ce cas précis, il y avait une volonté forte de faire revenir les salariés au bureau.
Avec le Covid, les collaborateurs se sont rendu compte qu’on mangeait mieux au bureau qu’à la maison, ce qui était contraire à ce qu’on pensait avant. La restauration doit donc proposer une offre « meilleure » qu’à la maison. Par ailleurs, il faut qu’elle réponde aux attentes de toutes les générations, que l’on sorte des codes de la restauration collective. Les projets techniques doivent ainsi évoluer. Par ailleurs, il faut également pouvoir ouvrir les espaces de restauration en dehors des horaires de repas.
Avoir des espaces évolutifs et de réversibilité
Les espaces doivent être conçus pour être évolutifs et réversibles, ce qui pose de nombreuses questions. Quelle offre la restauration doit-elle offrir en dehors des horaires de repas ? Comment concevoir les zones de distribution qui puissent évoluer dans le temps si le restaurateur change de concept ou si on change de restaurateur ?
Par ailleurs, la fréquentation entre le lundi et le vendredi est divisée par deux ou par trois. Comment avoir des espaces vides à trois quart le vendredi ? Cela impacte la salle à manger, bien sûr mais aussi la zone de distribution, dont un kiosque ou deux sur huit sont ouverts. Ce qui crée de la frustration pour les utilisateurs. Cela concerne tous les acteurs, de la maitrise d’ouvrage qui doit savoir ce qu’elle souhaite ; de la programmation qui doit voir ce qui doit être fait ; du projet technique qui doit comprendre comment il doit répondre à la problématique d’ouverture ou de fermeture d’espaces que ce soit de la distribution ou de la salle ; et les utilisateurs. Le parcours clients qui changent entre le lundi et le vendredi peut perturber le consommateur.
Pour favoriser la fréquentation de ces espaces à tout moment de la journée et de la semaine, il faut proposer quelque chose de mieux que de rester dans son bureau. Des boissons fraiches et chaudes à toute heure par exemple.
La réversibilité impacte donc un grand nombre de sujets. La question des odeurs, la question de l’ergonomie de la salle, le parcours utilisateur.
Avoir des espaces de restauration engagés sur un plan RSE.
- En réemployant des matériaux (dans la conception) jusqu’à l’exploitation.
- On sait faire aujourd’hui des espaces zéro plastique (boisson, laitage, contenants). Le plus compliqué ce n’est pas tant le self, la restauration dite rapide, mais c’est le « room service » dans les étages. Les carafes en verre pour servir de l’eau signifie d’avoir derrière une machine à laver. Des tasses à café en « dur », ne peuvent s’empiler, prennent plus de place que des gobelets jetables…
- Parfois on demande dans le cahier des charges à ce que le restaurateur s’engage avec ses fournisseurs dans une démarche de zéro déchet sur le conditionnement. Les acteurs de la restauration d’entreprise en gérant de gros volumes, ont des moyens de pression sur les fournisseurs pour les faire évoluer sur ces sujets.
- Aujourd’hui les restaurateurs souhaitent cuisiner des produits frais avec un sourcing de qualité. La Loi Egalim n’impacte pourtant pas à l’origine la restauration d’entreprise. C’est cependant une tendance qui est née de la période covid.
- De la conception à l’exploitation, on travaille désormais à limiter l’empreinte carbone.
Les offres des restaurateurs s’adaptent
De nouveaux concepts émergent avec des impacts techniques
- Le service à table dans la restauration sociale : aujourd’hui, assez restreint pour le moment, digitalisable ou non. La part alimentaire du convive peut rester très faible. Cela répond à des attentes différentes du consommateur. Le Millenial, peu adepte, du plateau-self se retrouve davantage dans cette proposition.
- Le frigo connecté qui propose des plateaux traiteurs avec une application digitale. Cette offre peut lasser car si les produits sont très bien préparés, l’offre est restreinte. Néanmoins, cela peut être intéressant à mettre en place pour des pics de fréquentation ou pour des salariés qui travaillent en horaires décalés.
- Le Food court digital est un principe d’aménagement en scramble. La vraie nouveauté c’est le développement de l’application qui permet de commander avec son smartphone ou via une borne automatique. Le food court sans digitalisation n’a rien à voir.
Les offres des restaurateurs évoluent
- Une profondeur d’offre plus courte avec pour objectif “moins mais mieux”
- Des produits frais bruts peu transformés (une mode dont on pourrait se fatiguer)
- Une ultra scénarisation des offres : enseigne, accessoirisation, présentation des plats, vente de produits d’épicerie à emporter qui contribuent à enjoliver la prestation, qui contribue à l’attractivité globale de l’offre en sortant des codes de la restauration collective. Ce raisonnement « en boutique » impacte évidemment le projet technique. On sort de la standardisation.
La digitalisation du service se développe (borne et smartphone)
Et permet de répondre à des contraintes d’aménagements. Deux principes : il ne faut pas que ce soit imposé, (toujours une solution alternative) il faut que cela apporte un bénéfice tangible sans être un simple gadget.
- Click & collect : les restaurateurs ont beaucoup communiqué dessus. Bien que déjà prévu depuis un certain temps par les maitres d’ouvrage, cette solution très prisée pendant le Covid, est un peu en perte de vitesse aujourd’hui car les utilisateurs (hors générations moins de 35 ans) ont quand même besoin de voir le produit et ne voient pas l’intérêt de commander le plat, si on doit de toutes façons se déplacer.
- Click & delivery : cette solution qui est de faire livrer dans ses bureaux ce qu’on a commandé va permettre de gérer l’envoi déporté sans avoir à créer des espaces de production dans les étages.
- Click & serve : Self à table avec digitalisation.
Les projets techniques doivent évoluer
Il n’y aura pas de solution unique mais une multitude de solutions dans la restauration d’entreprise de demain.
L’impact sur la zone de production :
- Il faudra avoir des locaux de prétraitements plus importants (légumeries plus importantes). Il faudra redimensionner les surfaces en fonction.
- Un stockage de boissons réduit (remplacés par des fontaines, voire intégrées dans l’économat)
- Des repas déportés qui impactent fortement la production car il faut imaginer un circuit complètement à part.
- Une chambre froide (fruits et légumes) plus importante
- Espace de service
- Sur un scramble : les vitrines boissons / laitage sont réduites car tout est en salle. Une des conséquences de cette organisation, c’est la réduction du personnel magasiniers et plongeurs car il n’y a plus de réception de palettes de boissons et moins de lavage.
- Une polyvalence dans l’aménagement technique des kiosques qui correspond à la réversibilité dont on a parlé dans le temps et dans la durée. Comment concevoir un kiosque qui peut faire du wok, de la plancha, de la découpe… ?
- Des attentes pour des solutions d’auto-encaissement (plus besoin de caisses, juste une caisse centrale). Les restaurateurs arrivent avec leurs solutions. Ce qui est primordial, c’est la gestion des attentes.
- La possibilité d’occulter la zone de distribution en dehors des repas.
- Food court digitaux. Les impacts sont importants.
- Prévoir des « attentes » à l’entrée des restaurants avec des bornes de commande, prévoir aussi des attentes pour le suivi des commandes avec un écran en salle. Le parcours client idéal c’est que le client sache où en est la préparation pour qu’il puisse s’asseoir et ne venir chercher son repas que quand il est prêt. Certaines applications existent avec notification.
- Des kiosques organisés comme des boutiques avec un desk de retrait. Un opérateur avec un écran va réceptionner les commandes sur un écran, il annonce le chaud à un cuisinier, pendant ce temps, il met les couverts sur un plateau, récupère le froid dans la zone froide puis le chaud auprès du cuisinier, il envoie la notification et il donne le plateau. L’organisation du kiosque n’a rien à voir avec une organisation self.
- Un aménagement rendant possible différents parcours clients : un kiosque qui pourrait permettre de proposer un petit-déjeuner le matin et une offre gourmande l’après-midi et donc aussi un espace coworking.
- Salle à manger
- L’augmentation des fontaines à eau plate et gazeuse
- Des attentes pour des fontaines à soda, machines à café
- Des attentes pour collecter les contenants réutilisables dans les espaces de service. Des consignes peuvent permettre de gérer la collecte.
- La possibilité d’occulter le convoyeur à plateaux en dehors du repas. La grosse difficulté c’est le nettoyage. Quand peut-il se faire ?
En conclusion, il y a beaucoup d’évolutions mais peu de certitudes. Il faut se dire qu’il n’y a plus de cas unique, on ne peut plus modéliser et dupliquer.
Faut-il concevoir un restaurant sur un actif de moins de 10 000 m2 ? En moyenne c’est 300 couverts. Mais la moyenne ne signifie plus rien car la fréquentation chute le vendredi. Si on expurge le vendredi, on sera à 400/450 couverts. Si demain le télétravail se réduit considérablement, alors avoir une cuisine sera intéressante. Mais aujourd’hui les restaurateurs considèrent qu’avoir une cuisine pour moins de 300 couverts n’est pas rentable.
Quel niveau de service faut-il positionner sur un actif ? Les attentes sont antinomiques entre un promoteur et un preneur.
Comment vont évoluer les organisations du travail ? Normalisation du télétravail ? Retour au bureau ? Semaine de 4 jours ? C’est dans l’organisation du travail, qu’il est le plus difficile de se projeter aujourd’hui.
Comment les restaurateurs vont s’adapter ? Que fait-on des équipes du restaurateur si la semaine est de 4 jours ? Comment adapter leur modèle économique ? Comment adapter la convention collective : annualisation du temps de travail ? Comment se différencier sur l’offre du marché quand l’offre alimentaire est désormais très homogène ? Comment faire pour que leurs métiers soient attractifs ? Comment enrayer la fuite concernant tous les segments de marché de la restauration avec une expertise métier de plus en plus pointue ?
Pour les bureaux d’études, beaucoup de questionnements également. Comment sortir des marqueurs traditionnels de la restauration collective en tenant compte des multiples contraintes (par exemple l’hygiène).
Comment rassurer la maitrise d’ouvrage ? Qui me dit que le restaurateur sera d’accord avec le projet du bureau d’études ?