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Conférence sur le thème de l’après covid dans la restauration collective par Didier Thévenet, lors des Rencontres du FCSI France à Voiron.  

L'actualité

Didier Thévenet, président d’Agores et directeur de la cuisine centrale de Lons-le-Saunier proposait une conférence sur le thème de l’après covid dans la restauration collective.  

En préambule, Monsieur Thévenet a présenté sa cuisine centrale à Lons-le-Saunier.  

La cuisine centrale, née en 1980, était au démarrage un service municipal, devenue par la suite, à savoir en 2005-2006, un syndicat mixte (entreprise privée/publique) avec 49 adhérents qui sont les communes, le conseil départemental et l’hôpital.  

Elle sert la moitié du département du Jura dont 100 écoles et 500 personnes à domicile. Parfois, 25 kilomètres doivent être parcourus pour servir une personne dans un village. C’est un service public avec les contraintes d’une entreprise privée qui vit sans subvention, sans aide de l’état. Pendant la période Covid, aucune aide n’a été donnée alors que l’activité était réduite.

Chaque année, ce sont les élus qui fixent le prix des repas :

  • 70 personnes (équivalent 65 ETP) 
  • 1 435 000 repas / an avec un CA De 7 000 000 euros 
  • Maitrise des couts 4,80 euros HT en moyenne.   
  • Repas scolaire : vendu à 3,72 euros HT 

Quelques données sur la cuisine  

La cuisine centrale a été construite en 1980 puis restructurée en 2003. Elle produisait à l’époque 2 000 repas. Elle en cuisine aujourd’hui 5 000. (7 500 en pic d’activité) avec les mêmes locaux grâce à une maitrise des couts et une réflexion faite autour du gaspillage alimentaire, des équipements mieux adaptés.  

En comparaison avec la restauration traditionnelle, les spécificités de la restauration collective sont les suivantes : le convive est contraint de venir tous les jours (dans les hôpitaux, dans les Ephad, dans les écoles par exemple), il ne choisit ni la composition de son repas, ni les personnes avec qui il le partage avec un budget de 2 euros seulement.  

« Quand on va au restaurant traditionnel, c’est avec un budget de 50, voire 100 euros, avec des gens que vous aimez. Vous allez pouvoir manger et boire ce que vous avez commandé ».  

Et les deux types de restauration font partie du même métier qui est d’alimenter les gens.  

 De plus dans la restauration collective, on ne veut pas manger de la même manière tous les jours. On veut manger bio, équilibré et local avec un budget très restreint. Pour donner un exemple, le prix moyen alimentaire est de 2,39 euros.  

Conférence sur le thème de l’après covid dans la restauration collective 

Les enjeux de la restauration collective 

Dans un contexte de difficulté à recruter des professionnels, les attentes des élus en termes économiques et la demande de qualité grandissante de la part des consommateurs amènent les dirigeants de cuisine à travailler sur les thèmes suivants :  

  1. L’intégration de produits locaux bio (exigée par la loi Egalim) 
  2. L’amélioration des conditions de travail des agents (notamment sur les troubles musculo-squelettiques) 
  3. La recherche d’économie de fonctionnement : 2,39 euros de cout produit contre 4 euros de prix de vente. Une marge minime permettant de payer l’énergie, le personnel…  
  4. La réintégration des cuisines au sein de la collectivité (alors qu’elles avaient été déléguées). Cette dernière question se pose de plus en plus et est portée par l’association Agores.  
  1. Sur les produits
    La loi Egalim impose 50 % de produits sous signe de qualité, dont 20 % de bio. 
    • Le retour des ateliers de transformation primaire dans les cuisines (légumerie par ex.). Toutes les cuisines construites pendant des années proposaient uniquement de l’assemblage et de la finition. On demande aujourd’hui des légumeries pour ancrer l’alimentation sur un territoire. Cette exigence territoriale n’impacte pas uniquement les légumes, il faut des outils de transformation (exemple : la nécessité d’abattoirs pour la viande, de cylindres pour le blé, etc.)  
    • Une attention particulière à la composition des plats. Une exigence qui remonte à la période covid, quand les parents ont cuisiné à la maison. Les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la composition des produits (nutriscore). Toutes ces informations devront leur être apportées.  
    • L’introduction de repas végétariens exigés par la Loi Egalim une fois par semaine dans les menus des cantines scolaires. On se rend compte que beaucoup de ces repas partent à la poubelle. La culture gastronomique française se prête mal à la cuisine végétarienne. Cette introduction doit être conduite en parallèle avec une communication aux parents. Le futur sera différent mais on ne peut y venir qu’en l’accompagnant. Aujourd’hui il manque l’éducation. L’éducation pour le convive mais aussi la formation pour le cuisinier qui jusqu’à présent n’a pas jamais appris à cuisiner des légumes. L’avenir du repas végétarien, c’est la cuisson.  
    • La juste cuisson des produits. Il faut s’organiser pour faire de l’économie en travaillant. Exemple, à Lons, on fait de la cuisson différée – donc de nuit – pour le bœuf avec un objectif d’économie (économie de temps agent car il n’est pas présent pendant que cela cuit, 20 % d’économie de produit parce qu’on supprime les fonds par exemple et une économie d’électricité car on abaisse la température de cuisson).  
  2. Les locaux 
    L’ensemble des orientations liés aux attentes influe sur les futures cuisines : 
    • La « fin » du plastique programmée engendre la nécessité de nouveaux espaces pour stocker les bacs inox, d’une quantité supérieure d’eau pour le lavage, de reconditionnement sous-vide avec d’autres matériaux. Toutes les solutions ne sont pas encore trouvées. A Lons, on va travailler avec le PET qui peut être totalement recyclé. On l’utilise à froid pour faire du transport de produits qu’on remettra en température dans du verre, de la porcelaine, de l’inox. C’est le client qui choisit. Il y n’y a eu que très peu de concertations avec le monde industriel et beaucoup de cuisines se sont trouvées sans solution. Par exemple, pour les repas à domicile. Un contenant en inox individuel vaut 10 euros, une barquette en polypro vaut 7 centimes. Quand on livre des repas à 5,80 euros dans des contenants qui valent 45 centimes au cumul, si demain comme le demande la loi Agec, si je livre avec des contenants en inox, je vends des repas à 5,80 euros pour des contenants qui valent 60 euros en n’en récupérant que 80 % (étude nationale d’Agores). Le consommateur (ici une personne âgée en perte d’autonomie) est-il prêt à payer un repas 15 euros ? De plus, il y a la question de la remise en température qui peut être un sujet compliqué à expliquer en fonction des publics.  
    • Le choix de construction moins impactante sur l’environnement. Plusieurs questions se posent aujourd’hui. La recyclabilité de la cuisine pour le démontage. Le choix des matériaux dans l’isolation renforcée. On demande de limiter la consommation d’énergie dans le transport, dans le choix des gaz réfrigérants.  
    • Des évolutions sur les anciennes cuisines et des constructions nouvelles.  Quelles sont les solutions pour restructurer l’existant et faire évoluer les cuisines pour qu’elles répondent aux enjeux de demain. Du matériel moins encombrant. Des cuisines décentralisées. Ne faut-il pas mieux cinq cuisines à côté des écoles qu’une cuisine centrale ? On règle ainsi le problème du plastique avec moins de remise en température, moins de transports…  
  3. Le matériel  
    Les consommations diverses et l’ergonomie sont au cœur des préoccupations.  
    • Pour transformer plus de produits bruts : on a besoin de plus de technologies. On évolue vers des produits semi industriels pour aller vers la praticité, la rapidité, la capacité de transformation. 
    • Pour travailler sans plastique dans la cuisson et la remise en température, il n’y a pas une solution. La solution trouvée à Angers n’est pas applicable partout. Toutes les cuisines ne se ressemblent pas.  
    • Recherche d’économie de fonctionnement : Il y a de nouvelles intentions sur la sélection des matériels. Les choix sont faits en fonction de l’ergonomie du matériel, de leur origine de fabrication, de la consommation énergétique. On ne regarde plus le design, et les fonctionnalités accessoires (comme les fours avec programmation de recettes types). On regarde moins le prix à l’achat que le prix à l’utilisation. En effet, on achète un four pour 15 ans qui servira quotidiennement. On regarde davantage la durabilité du matériel. Ainsi, si le four tombe en panne et que la pièce est produite à Taiwan et qu’il faut un délai de six mois pour la recevoir et que l’on n’est pas capable de changer la pièce, cela n’est pas intéressant. L’ergonomie est également essentielle dans la sélection du produit. De plus, sa polyvalence est devenue un facteur incontournable à cause de la cherté de l’espace et des budgets beaucoup plus contraints. On a besoin de faire rentrer les cuisines dans des plus petits espaces. Le « made in France » est un argument lourd dont tiennent compte les élus dans leur décision.  
  4. Le personnel  
    Le recrutement de personnel formé est difficile. Il est difficile pour le personnel vieillissant de porter des charges. Si on veut que les jeunes soient attirés par les métiers de la cuisine, il faudra qu’on les aide avec :
    • Une réflexion sur l’ergonomie des postes de travail. Actuellement les outils qui existent ne sont pas adaptés aux espaces restreints des cuisines. 
    • Logiciel de production et de suivi des PMS (plan sanitaire). Aujourd’hui, une cuisine centrale doit travailler avec des logiciels de production pour améliorer la gestion et la sécurité du produit et son fonctionnement avec une information consommateur et l’acheminement des produits par exemple. Il y aurait de grands progrès à faire sur le matériel existant pour qu’il intègre le suivi des températures et tout ce qui entre dans le suivi des PMS.  
    • Matériel intuitif : finalement on n’a besoin que des fonctions de base sur un outil. Il faudrait presque s’arrêter au bouton marche/arrêt. Le prix serait ainsi moins élevé. On pourrait réparer plus facilement le matériel, son entretien serait facilité. Par ailleurs, le personnel a de moins en moins de connaissance technique.  
    • Formation à l’utilisation : une formation en deux vagues : le jour où est livré le matériel et une deuxième formation après 3 mois d’utilisation pour vérifier que les procédures mises en place sont les bonnes.  

En conclusion  : Pour répondre aux défis de demain qui sont nombreux, il est indispensable de mener un travail en commun entre les utilisateurs, les concepteurs et fabricants. Cette relation entre les trois acteurs est essentielle pour créer les outils de demain. 

Didier Thévenet, Denis Daveine, Patrick Mauries