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L’inclusion, une opportunité pour la restauration

L'actualité

Roger Obeid, membre émérite du FCSI EAME, accompagne depuis plus 30 ans les professionnels de l’hôtellerie-restauration dans le monde entier. Enseignant à Paul Bocuse, il s’est beaucoup impliqué pour l’inclusion des porteurs de handicaps vocaux et auditifs, et notamment en lançant «Join F&B », un projet primé facilitant le recrutement des personnes en situation de handicap.  

Organisée par le FCSI France, sa conférence sur l’inclusion lors de l’édition 2022 du Salon EquipHotel, a permis à Roger Obeid de partager son expérience auprès des professionnels de l’Hôtellerie Restauration. 

« A quoi aspirent les personnes en situation de handicap ? Au minimum, elles veulent leur autonomie, elles veulent s’épanouir, elles veulent être indépendantes. » 
Roger Obeid 

De nombreuses personnalités se sont illustrées dans le secteur de l’Hôtellerie Restauration et sont parvenues à détourner les regards de leur handicap : on peut citer Jean Marc Berset, professionnel suisse de la pâtisserie handicapé moteur et médaillé olympique, Eric Beaumard, qui a perdu sa main dans un accident de moto à 18 ans, élu meilleur sommelier de France et d’Europe, ou encore le pâtissier et présentateur de télévision français Grégory Cuilleron, né sans avant-bras gauche. Et la liste est encore longue. 

Du monde pour écouter la conférence sur l'inclusion sur le stand FCSI France
Du monde pour écouter la conférence sur l’inclusion sur le stand FCSI France au salon EquipHotel 2022 crédit photo Les Mots qui Manquent

L’inclusion du handicap, un enjeu mondial

12 à 15 % de la population mondiale est porteuse de handicap, soit un milliard de personnes. 80 % d’entre elles dissimulent leur handicap, un cas particulièrement prépondérant aux Etats-Unis où la prise en charge d’une personne handicapée coûte au pays 10 000 euros par an et par personne.  

Cette différence est visible dans le domaine de l’éducation : en comparaison avec les personnes valides, les personnes handicapées font moins d’études. « Les personnes souffrant d’un handicap physique ne vont souvent pas loin dans leur éducation, et ont donc du mal à intégrer la population active. » 

Fin 2006, l’ONU a adopté la Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées. Malgré cela, « ces choses prennent du temps. On ne change pas les mentalités du jour au lendemain », précise Roger Obeid. « Le grand problème c’est le temps de légiférer, et cela prend entre dix et quatorze ans.  Les lois doivent être ratifiées par les gouvernements, et les actions doivent être lancées : c’est un processus très long. » 

Le recrutement en berne malgré la pénurie de main d’œuvre

L’hôtellerie-restauration demeure au point zéro face à ces questions d’inclusion, un paradoxe dans un secteur faisant face à un déficit en main d’œuvre sans précédent, les personnes porteuses de handicap représentent pourtant une force de travail supplémentaire. 

Ce problème s’expliquerait par la mauvaise communication dans le secteur du recrutement. Le handicap est encore considéré comme « une source de problèmes et de casse-tête. ». « Les employeurs assimilent souvent le handicap à une maladie permanente ou ne le comprennent pas, et le considèrent donc injustement comme un coût et une source de problèmes », remarque Roger Obeid.  

Une conférence sur l'inclusion des personnes handicapées
En cette période de pénurie de personnel, et si l’inclusion des personnes handicapées étaient la solution ? crédit photo Les Mots qui Manquent

« Il reste deux obstacles majeurs à surmonter pour intégrer l’inclusivité dans les conceptions des consultants », ajoute-t-il. « Le premier, psychologique, consiste à essayer d’abord d’éliminer toutes sortes de stigmatisations, de stéréotypes et de préjugés. Il ne faut pas confondre handicap et maladie. Le second est d’ordre technique. Les consultants devraient se familiariser davantage avec le handicap et s’impliquer davantage en comprenant les exigences des personnes handicapées. » 

Les a priori ont donc encore la vie dure. Pourtant certains employés handicapés seraient plus performants que leurs collègues valides : « Même dans un restaurant conventionnel, lorsque le service commence, les gens utilisent généralement des signes de la main pour communiquer », explique Roger Obeid. « Nous avons constaté que les malentendants étaient de meilleurs serveurs car ils parviennent à communiquer clairement et rapidement avec les signes, ils sont plus à même de gérer le service en salle. » 

Un logiciel inédit pour l’inclusion

Roger Obeid a lancé le projet J&B visant à faciliter le recrutement des personnes handicapées dans l’industrie hôtelière et la restauration. Cette initiative a a reçu le premier prix de l’innovation de l’Organisation Mondiale du Tourisme des Nations Unies (OMT) lors de son sommet de 2021.  

« La plupart des recruteurs ont peur du handicap et sont mal à l’aise. Cette plateforme informatique met en relation les deux parties. ». Un lancement dans l’ère post-covid où le monde du travail s’est ouvert à ce genre de procédés. 

Le logiciel permet de répertorier pour les chercheurs d’emploi en situation de handicap tous les postes qu’ils peuvent occuper en fonction de leur handicap. Les directions des ressources humaines peuvent consulter cette base de données et contacter ainsi ces personnes si des postes leur correspondent. 

Penser cuisine et inclusivité

L’inclusion passe par quelques petits aménagements pour faciliter le travail au quotidien et pour cela pas besoin de transformer intégralement la cuisine. « Cela implique des changements simples, comme un fin miroir sur le bar, pour que le barman puisse vérifier à tout moment ce qui se passe dans la salle du coin de l’œil », explique Roger Obeid. Si la cuisine est éloignée de la salle à manger, des lumières peuvent être accrochées au-dessus du bar, chaque serveur ayant une couleur qui clignote lorsqu’une commande est prête. Côté technique, les équipements sont simples mais performants, les tables modulables dans les cuisines permettent aux fauteuils roulants de passer dessous.  

Peu abordée dans l’univers de la restauration-hôtellerie, l’inclusion des personnes en situation de handicap serait donc une solution au manque de recrutement des personnes en situation de handicap, et une alternative à la pénurie de main d’œuvre.  

Le contexte actuel représente alors une opportunité pour cette minorité qui pourrait se faire une place dans le secteur. Et vous qu’en pensez-vous ? Faites nous part de vos expériences, questions et éventuelles remarques.  

Conférence Roger Obeid au salon EquipHotel 2022